Je sais pas quoi te dire quand tu me demandes comment ça va. J’ai envie de te répondre que je hurlerais dans ton appart jusqu’à m’étouffer, si je pouvais. Je hurlerais en continu au creux de ton cou pendant que tu me flatterais longuement le dos. J’aurais l’impression que tu serais découragé, mais tu soupirerais pour moi. Tu essayerais de prendre ma peine du bout des doigts comme on pincerait un voile.
Je voudrais te dire que je rêve de répondre par l’affirmative à ceux qui croient que l’on s’aime. En secret, j’ai le goût que tu me dédies la douceur de ton regard à l’occasion. Quand tu soupires, je songe à la mince éventualité que ce soit parce que tu me trouves trop belle.
Faudrait pas que tu saches combien de fois j’ai étampé ton sourire dans l’background de mes pensées pour m’endormir le soir. C’est comme si, la veille, j’épinglais une photo de ta face sur mon mur: je sais qu’en me réveillant au matin, ce sera l’image de toi qui commencera ma journée. Tout ça à défaut de pouvoir te dire combien je t’aime sur l’oreiller.
Imagine si je te disais, à chaque fois que je pleure, que t’es la première paire de bras dans laquelle je voudrais me réfugier. J’ai pas envie de te dire ces choses-là. J’aimerais pas que tu te sentes responsable de mes malaises, que tu culpabilises à l’idée de ne pas être là pour me supporter. Je ne voudrais pas devenir lourde pour la personne la plus précieuse à mes yeux. Jamais.
Alors je te réponds que ça va… puisque c’est le cas.
J’ai beau retourner ça dans un sens comme dans l’autre rien n’a jamais été aussi mieux que ce tout ce qui va bien en ce moment c’est-à-dire à peu près l’ensemble de tout mais dans cet ensemble tu n’es pas là et ce n’est pas pareil alors je perds la carte ainsi que ma ponctuation en me faisant croire que j’avais pas perdu ma tête ben avant de toute façon oui ce soir où je t’ai vu de mes yeux vus juste devant moi avec ta moue de rien du tout et tes longs cils jusqu’au bout du monde.
Je songe au nombre de textes encore à l’état de brouillon qui dorment chez-toi à ma place. Puis je me demande distraitement s’ils parlent trop d’amour comme les miens. La différence, c’est que ceux que j’ai écrits dans les derniers mois ont ton nom gravé dans leur noeud. Je serais franchement surprise si tu m’avouais que je me cache si régulièrement que ça dans tes propres .doc. Mais ça, je ne peux pas te le dire non plus.
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De toute façon, qu’est-ce que tu ferais si je te disais que j’espère encore? On finirait par tourner en rond, tu t’excuserais, tu serais désolé, tu t’en voudrais presque de me laisser t’aimer en vain. Alors là, moi, je me sentirais affreusement coupable d’encore une fois m’étaler… aussi romantique tout ça puisse être.
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À chaque occasion où tu me fais savoir que tu ne partages pas mes sentiments, j’essaye de trouver une échappatoire, une raison de me convaincre de continuer à y croire profondément. Tu es ancré quelque part où je réussis pas à aller te chercher et ce autant en moi qu’en toi. Pour un regard extérieur, je fais sans doute une bonne masochiste du love game. À l’intérieur, j’essaye d’être indulgente envers moi-même… comme tu me le conseilles toi-même si souvent.
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Malgré tout ça, je cours après les brèches et les ouvertures, convaincue qu’il y en a une toute petite où glisser mes doigts, mais je sais que c’est la pire chose à faire. Je suis tétanisée à l’idée que ces tentatives ne t’éloignent de moi. C’est pourquoi je ne fais rien de plus. Je reste là et j’attends le jour où tu seras heureux avec une autre… parce que je ne peux sans doute plus t’attendre, toi.
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Peut-être que ceci est la lettre d’amour que je n’aurais jamais voulu écrire. Tu sais, celle que l’on ne voudrait donner à personne parce que ça veut dire ce que ça veut dire: je sais que tu ne m’aimes pas. Enfin… si. Tu m’aimes, mais on sait tous les deux que tu ne m’aimes pas. On ne sait pas pourquoi tu ne m’aimes pas, mais on sait que tu ne m’aimes pas. Ah ça oui, on sait. Surtout moi, je sais.
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Je prends le peine de me le rappeler au quotidien.
Surtout le soir après avoir invoqué de nouveau ton sourire dans ma tête.