Tout le monde se calice du bonheur

Si vous voulez mon avis, c’est toujours plus difficile d’écrire quand la vie va bien que l’inverse. Le stéréotype du poète torturé est un des plus tenaces et réalistes qu’il m’ait été donné d’expérimenter moi-même dans ma courte vie.

Quelqu’un qui est heureux est rarement réellement intéressant, disons-le. Il a seulement des futilités à raconter et du sirupeux à faire couler. En même temps, on ne peut pas dire que le bonheur ne signifie rien, mais il n’en demeure pas moins fade par moment. Les gens ont tendance à relate au bonheur des autres seulement quand ils l’envient. C’est un fait.

Moi la première.

J’ai passé des semaines à ne rien écrire sauf des poèmes que je lis devant un public restreint, mais extrêmement réceptif. Je vis la littérature en cocon et j’ai passé à travers les dernières portes me menant vers le futur en même temps.

Après trois ans de soupir, j’ai fini mon baccalauréat. C’est étrange de me dire que l’école, qui a toujours été un élément utile à la définition même de ma personnalité, me rendait aussi amère et que maintenant que c’est terminé, je peux me remettre à la lecture de ce qui compte vraiment: les romans qui ne mènent à rien et les recueils de poésie qui existent juste pour avoir leur place dans l’univers. L’adulte en moi essaye de s’arracher à l’adolescente qui lui colle à la peau et l’amour ouvre des brèches pour laisser passer la lumière.

Ah oui. L’amour. Il est revenu plus fort que jamais. Il a des projets futurs et de longs doigts qui touchent tout ce qui doit être réchauffé. Il éclate de rire et laisse des flammèches le long de ma colonne vertébrale. Il a ramené des souvenirs d’une presque enfance que j’avais plus ou moins oubliée. J’ai envie de dire que c’est peut-être la bonne, cette fois, mais si ça ne s’avère pas être le cas, je lancerai un autre  »coudonc » dans une fontaine. Je ne me croiserai plus les doigts: ça fait mal aux jointures de toute façon.

Je vous avais averti: il n’y a strictement rien à raconter. La preuve, c’est que je m’ennuie moi-même en me relisant et je n’ai même pas encore fini cette phrase.

C’est un fabuleux paradoxe que de remercier tous les jours la vie pour ce qu’elle devient, alors qu’elle ne m’inspire rien de particulier. J’ai tout ce dont j’avais besoin et au-delà. Je pense qu’il ne me reste plus qu’à le savourer et à enclencher la longue marche vers la réalisation de mes rêves de jeunesse.

J’ai envie de publier pour vrai et de me péter la gueule sur des têtes pensantes qui détesteront tous mes manuscrits… pour me lamenter sur Internet par la suite. On refusera peut-être un roman, peut-être mes poèmes d’amour. On me dira qu’écrire à la première personne du singulier est aussi contemporain que trop facile. Vous n’avez pas le style que l’on recherche. Vous n’impressionnez personne. Vos mots disent tous la même criss d’affaire: vous êtes une hypersensible qui se laisse impressionner par le mouvement des feuilles d’un saule pleureur dans la brise de l’été. Votre vision du monde n’a absolument rien d’original. Nous possédons tous les mêmes yeux… vous n’avez de plus que les silencieux seulement les métaphores étriquées et insensées. C’est mignon, mais pas suffisant pour que l’on vous paye presque rien en publiant chez-nous. Remballez votre .doc et faites de votre existence un courant d’air.

Je leur répondrais que ne me réinventerai pas pour une poignée de dollars, mais que je me saignerais jusqu’à la dernière goutte pour étamper ma photo d’auteure sur une couverture glossy faites à 90% de papier recyclé non-blanchi. Ça fera de bons poèmes et j’aurai l’air révolutionnaire à vouloir me payer la tronche des éditeurs qui me diront non à travers des figures de style éculées, mais charmantes. C’est comme ça que je finirai par fonder ma propre maison d’édition et que la relève viendra imprimer ses plus mauvais textes dans mon salon. Nous serons célèbres pour s’être calicé ben raide des conventions.

La rêverie lousse a ses avantages: elle fait du bien à tout le monde.

Il faut croire qu’on finit tous par arriver à ce moment de notre existence… cet instant de flottement durant lequel rien ne semble réellement atteignable, alors que nos ailes ont pourtant fini de pousser: elles sont enfin prêtes à être utilisées.

On en vient à apprécier l’inertie légère de l’advienne-que-pourra.

Tout ce qui nous reste de tangible est le partage de notre propre utopie.

Mais on ne nous apprend pas à être heureux.

C’est bien dommage.

L’amour au temps des fêlures (poème)

À mon grand brun, Frédéric Paradis.
Là où l’amour fait mal, il y a les mots.

L’amour au temps des fêlures
Là où les oiseaux de proie ont commencé à mourir
L’air vibrait contre des tympans fendus

Les mots doux ne suffisent plus pour endormir les ecchymoses
Et des cadavres exquis pourrissent à la frontière de la souvenance
La chaleur d’autrefois a laissé place aux trous des balles d’argent

Il hurle à la lune qui ne lui répond pas
Ses ongles auront lacéré ses cicatrices à peine refermées
De longues barres obliques rougeâtres le long de sa colonne affaissée

Il suffit de résister aux mâchoires d’acier trempée
Un mur s’est affaissé au pied du vague à l’âme
Les larmes aux commissures des lèvres, il arrache la nuit à son corps

Un silence fragile se dérobe sous ses pieds
Il ne tourne plus rien que les aiguilles des montres sans heure
La fausse promesse d’un rêve inachevé se balance sur une corde à linge mal tendue

Une pluie fine mouille ses lèvres closes
L’omniprésence de l’absence congèle ses veines bleuâtres
On accorde de la valeur à ce qui ne peut pas devenir

Soupir étouffé
Il ne crie pour personne
Un essoufflement s’écrase sur le sol détrampé

Il songe alors aux noyades qui n’ont jamais réellement lieu dans l’océan

 

 

La rue (poésie)

La nature a disparu
Et le bout du monde
A avalé sa queue

C’est dans l’inexistence bruyante
Des jours qui n’arrivent pas
Que le temps passe le plus vite
Et que les chandails de laine
Sont les plus confortables

Sous le hurlement du vent
Meurent dix milles vies de quartier
Se cassant des chaises sur le dos
Brûlant des drapeaux délavés

Les rues se retournent sous des pas feutrés
Un chat errant tue son repas
Entre nos jambes trop longues
N’ayant que la faim pour seul refuge

Les arrachés du monde
Ont la bouche pâteuse
C’est pourquoi les plaies
Ne se refermeront plus maintenant

Des crocs acérés ont déchiré le trottoir
Déchiqueté l’horizon
Les avalements de soi à répétition

Sur la place publique

On peut observer le sang noircir
Et les dents tomber

Une à une
Des bouches anonymes

Poésie: Littérature stellaire

Nous pleurons à sec
Sur des déclarations d’amour
En diagonal
Les larmes de plomb
Que nos corps échappent
Alourdissent les souvenirs
De la morsure du vent

L’air ambiant est incassable
Et nous écorchons nos jointures
Sur des mappes monde illisibles
En se gorgeant de cadavres exquis
Pour oublier la littérature des malheureux

L’intersidéral assoupi
Au fond d’un cratère
Aux dents longues
Nous n’ignorons pas
Que l’espace inspire les poètes fendus

Dans le vide désoxygéné
D’une cabine minuscule
Nous échangeons nos numéros
Nous sommes à vendre
Au plus offrant

Nous écrivons à millions
Pour se payer un trip
Dans l’inhabitable
Mais nous recroquevillons sur nous-mêmes
Pour échapper à la posture
De ceux qui ont précédé

Tout a changé
Et pourtant
C’est du pareil au même

De notre satellite
Sous nos yeux ébahis
L’humanité ondulante
Se meut à un rythme effréné

À cette hauteur
Le monde entier
Semble se déplacer à rebours

Poésie: Freckles & stuff

Je traîne tes taches de rousseur
Au fond de mes poches
Y plonge la main
Pour imaginer ton visage

C’est un autre ailleurs
Les dimensions hors des marges
Qui scrappent l’autoroute
Menant à ton drap contour

Tes cheveux dans nos bouches
Pour mieux étouffer mes cris
Je te mange le corps
En ton absence

Les pupilles bright
L’amour slack
Tu me râles au creux du cou
Nos douleurs enchevêtrées

Retourner mes pantalons
Pour vider des parcelles de toi
Sur mon oreiller cheap
Et me parler seule

Le printemps peut crever
De ces existences poignantes
Qui ne m’appartiennent pas
Sous ta langue je me déploie

Just like a pill
Droguée jusqu’au noyau
Mes poumons débordant
Des solitudes digérées

Tu as oublié ton reflet
Dans le miroir
De ma salle de bain
Il attend mes soupirs

J’agrippe tes miettes
Mémoire enflammée
Sur mon drap trop bleu
Je laisse passer l’air

Des filaments de ta voix
Font des noeuds coulants
Sur repeat
Autour de mes reins

J’abuse de la poésie
Pour la postérité
Au nom de la souvenance
En termes familiers

Pour t’imprimer
Sur ma peau
Contre mes os
Au fond d’un puits

Tu deviens alors
Le 11:11 que je murmurais

Poésie: Patrick Watson et 7Up

Il n’existe plus rien
Dans les pores de ma peau
Saveur Patrick Watson

Échancrées mes robes
Violents mes départs
Je grogne au fond d’un puits
Tu râles sur mes hivers fendus

Je braille sur la fine ligne
Séparant la mélodie
De tes paroles
S’affaler sur une vie de lettres

Sur des mots qui s’étampent
Contre tes rétines
Après avoir été écrits
Au Sharpie rouge
Sur le coffre de ton char

Je ne mange plus rien
Je me contente de regarder
De m’écouter faiblir
Dans les craques
De ton absence de volonté

Déterminée à boucher les conduits
À foncer direct dans les briques
Du centre d’achats presqu’enterré
Violé par la lumière d’un matin de plus

La gorge étranglée par la poussière
De plâtre
Et ces trous remplis à ras-bord
De tes désirs affaiblis
Au son du vide

Je tousse sur tes cicatrices
Infectées jusqu’à la moelle
La chair de nos chairs
Mon sang est un souvenir

Ne fait qu’un tour
Congèle
Glacier à cinquante cents
Distributrice de 7Up
Trouve ma fente

Elle existe

 

 

Poésie 5% d’alcool sur repeat – Toé

Okanagan dans le nez
Improvisation mixte
Mais être seule
C’est ainsi

Penser à toi
Entre deux gorgées
Tes vacances
Se poussent avec ta paye

Pis moi je regarde
Le ciel mourir
Et c’est ton corps
Qui s’imprime

Le regard contre ma rétine
Tu t’écrases dans mes souvenirs
Je te murmure des conneries
Tu voudrais que j’en dise davantage

Mais tu voudrais
Me foutre dehors
Une bière au cul
Et un coup de pied dans la mémoire

Le miroir
Renvoie nos deux vies
Comme d’infinies possibilités
Et je vomis pour rien

J’écris ceci
Avec ton visage
En tête
Je me rappelle

Je sais que tu ignores
Je suis convaincue que tu repousses
Tes draps
N’ont jamais eu mes plis

Je suis passée au printemps
Encore congelée
Par ma famille
Tu me cueillais

Next
Une autre saison
Encore plus de doutes
Tu me portes sur les ondes

Ceux qui savent
Ont la langue longue
Et bavent sur la table
Entre tes doigts

Tu me repousses
Contre les murs de toile
Et en diagonal
Pour me rappeler

Non il n’y a plus rien
Tu me hurles
Me résonnes
Au creux des reins

Seraient-ce tes doigts
Contre ma douleur
Ou le fantôme
De nos aurores

J’ignore sciemment
Ton souffle chaud
Contre ma joue rougie
Par tes doigts dans l’Fruit of the Loom

Je crie
Sur tes morts
Je hurle
Devant ton chest

J’écrase les mégots
De mon désespoir
Sur les cicatrices
De ton lendemain

Tu me mens
Devant un show plate
Esquisse une ligne
Pour m’empêcher de me perdre

Je ne suis rien
Que des souvenirs
Sur glace
Meurtrie par tes pupilles

Sur la table
Je m’égare
Sous tes ongles
Je survis

Te rappelles-tu
De ma voix
De mes soupirs
Cette mécanique en sourdine

Croises-tu les bras
Devant les autres
Meurs-tu un peu
Lorsque j’explose

Je te dédie
Ma petite mort quotidienne
T’imprime sur les lèvres
Mon requiem

Bête (poème)

Une petite bête agonisante à mes pieds
Son corps maintenant si frêle
Agité par les saccades d’une respiration laborieuse
Ses yeux fatigués par hier
Une de ses mains s’accroche mollement à ma cheville
Elle attend que je la prenne dans mes bras
Elle me supplie de ne jamais la laisser mourir
La force de son désespoir m’impressionne
Je l’entends geindre en sourdine
Elle étouffe sous le poids des souvenirs
Sa colonne semble se casser sous le couvert de mon regard
Elle ne devient que craquelures
Le trottoir se fendille au rythme de ses soupirs
J’ignore comment bouger
Si je dois l’achever ou la caresser jusqu’à sa fin
Si je dois attendre ou marcher dessus
Ou encore m’allonger à ses côtés
M’écraser contre son dos osseux
Et laisser mes veines durcir
Je pourrais la mettre au congélateur
La laisser mourir de froid
La savoir tout près
Dans toute sa tragédie
Un animal blessé au fond de ma cuisine
Comme un oiseau s’écrasant en plein vol
Dans une glacière
Je n’inspire plus de la même manière
Depuis que tu m’as dit
Que rien ne venait
Ma douleur comme une entité incongrue
Au visage pâle et aux doigts crochus
Une créature pleurant tout le jour
Pour s’épuiser d’elle-même
Pour déborder de toi dans ses fêlures
Vomir ton absence dans ses propres mains
Pour la ravaler autant de fois que possible
Parfois j’ose croire que je pourrais l’enterrer vivante
Et pourtant
Chaque matin
J’ouvre le cercueil à nouveau pour y jeter un oeil
Pour la bercer contre ma poitrine
Pour lui chuchoter d’infinis peut-être
Pour lui répéter que tu existes encore
Pour la rassurer
Pour lui décrire ton visage
Une fossette à la fois
Lui chanter longuement ton sourire
Et l’endormir avec ces mêmes mots
Que tu versais directement dans mes oreilles
En murmurant avant même que le soleil soit levé

Elle soupire d’aise en sachant pourtant qu’elle doit mourir dans sa boîte
La conscience claire que je ne puisse pas la laisser crever dans mon champ de vision
À moins de vouloir rougir ma robe

Poignées d’amour hivernales

Les neiges fuient
Dans mes bottes
Elles se décousent
Et les œillets
Se disloquent
Sous la lourdeur
De mes pas

Peut-être
Est-ce mon poids
Tout court
Par contre

Je n’ai pas besoin
Du long miroir
Pour savoir
Que mes bourrelets
Sont partout
Et que les hivers
Entrent par tous
Les trous

J’ai plus ou moins
Choisi les rondeurs
Mais je les caresse
Fièrement
Lorsqu’elles captent
La lumière du matin
À travers
Tes rideaux

Les vaporeux
Tissus légers
Qui dansent
Comme les flocons
Devant tes yeux
En même temps
Que mes hanches
Roulent en silence

Grosse
À qui veut bien
L’entendre
Et le répéter
Oui
Je peux faire
Parler mon ventre

Je n’ai pas envie
D’attendre
Qu’elles meurent
Et fondent
Au printemps
Je les gèlerai
Cet hiver
Les garderai
Intactes

Sans remords

I, II, III etc.

I
Loneliness and alcohol
Just like the smoke in the dark
Most likely to fade out
To go out on its own
Just like I do
On Thursdays
Fridays
Sometimes Sundays
Why aren’t you there
With all the lonely people
Why aren’t you alone
In your bed at night
Alone with me

II
J’écoutais les arbres
Se balancer
En craquant
Sous leur courtepointe
Glacée

III
Years
Are passing by
As your face turns grey
And your hair grows
It’s going down to your hips
These hips you used to slowly move
In my face
At night
Years
Fly
As you crinkle your nose
As your kisses
Become rare treasures
I cherish
Time
Is wrecking
The two of us
Is making our bridges burn
As you close your eyes
For the last time

IV
Multiplier
Les occasions de brailler
Tout en s’empêchant
De trop penser aux larmes

V
Once you were
Then you weren’t
You came back
Twice a month
To water our vines
To see them grow
To remind me
How beautiful you were

VI
Jamais voir le sol
Trop haut
Voler un peu
Voler à l’étalage
Se laisser aller la folie

VII
Drinking this beer
Emptying this can of mine
Empty as my heart now
The organ your broke
When you left
On this fine morning
Of April
Just like the tulips
In our garden
Looking at them
By the window
You made me open
In our bedroom
Your pillow still smells like roses
Reminds me the outdoors
The nature we built in our backyard
This forest filled with promises
You never really had the intention
To keep

VIII
Y’a des jours comme ça
Où j’pourrais dormir
Cent ans
Si fallait que t’aies tes jambes
Accrochées aux miennes
Dans la noirceur
De l’hiver qui s’étire

IX
Summer
Breeze
And alcoholic
Breaths
Sunshine
Kisses
Just like
Your eyes
Making their way
To my thighs
Vaguely
Hiding under
This pink
Short
Dress of mine

X
Les mains chaudes
Du creux de ma saison
Qui s’écrase
Entre tes reins

 

Crédit photo: KevinÉdwar Bégon; pour plus de démonstrations de son incomparable travail, rendez-vous ici.