Céline Dion: s’il suffisait d’un homme

La dernière nouvelle de l’heure m’a encore une fois permise d’observer les humains de la même manière qu’un sociologue propose une nouvelle étude de réaction sociale: Céline nue sur Internet. Justin Bieber nu sur son bateau avec la zigounette bien en vue passe encore, mais Céline Dion, dans une position tout à fait classe, ses membres cachant ses parties intimes… fais-nous pas ça, ne nous trahis pas, fille. Fais-nous pas passer pour des caves, un peu de tenue. Reprends-toi. Dans quel genre de spirale es-tu en train de tomber? CÉLINE, POUR L’AMOUR DE DIEU, REVIENS-NOUS!

Ce qui me fascine le plus dans cette histoire, c’est que l’on a le mot « guidoune » ben slack depuis que René est passé de l’autre bord. On préfère mettre une femme en boîte, la forcer à se plier à des règles arbitraires imposées par son mari plutôt que de la voir s’émanciper. On ose se demander si elle est en dépression. On la blâme d’avoir besoin d’attention. On se moque d’elle pour avoir pris ses propres décisions. On l’infantilise en répétant que son succès reposait presque entièrement sur son défunt partenaire et ses consignes strictes.

De plus, on s’esclaffe devant son âge en hurlant à qui veut bien l’entendre qu’à cinquante ans, t’es mieux d’être habillé.e. Encore une fois, on veut remettre la femme à sa place, lui rappeler que sa jeunesse n’est pas éternelle et que son corps se dessèche inévitablement en vieillissant. Pourtant, nous sommes les premiers.ères à vouloir voir George Clooney en chest sur la page couverture du 7 Jours. On la ridiculise d’exposer sa peau, de laisser son corps s’exprimer, d’être enfin libérée de l’emprise de ces humains qui contrôlaient chacun de ses faits et gestes.

J’ose croire qu’elle a enfin atteint le point de sa carrière où elle a envie d’y mettre davantage du sien, plus que sa voix. Toutes ces années, elle a dû se plier à une image virginale et pure et classe et glamour et léchée et parfaite… maintenant, elle a envie de renouveau. Peut-être même se mettra-t-elle à écrire plus de textes pour ses chansons, qui sait? Dites-moi, vous n’est-il pas venu à l’idée que même si elle croule sous les millions, sa vie est imparfaite depuis longtemps? Comment ne pas envisager qu’elle se sentait peut-être emprisonnée dans une cage de verre?

Lorsque l’on choisit à votre place pendant des décennies et que votre image est contrôlée à temps plein, vient un moment où on manque d’espace pour ouvrir ses ailes. Il faut se rappeler que l’Angélil était bien de son temps et qu’il était conservateur. On aura beau tenter de me dire qu’il était à l’avant-garde avec sa protégée, sous le couvert de ses bonnes intentions, on pouvait entrevoir un homme qui tenait mordicus à ce que son épouse ait les deux pieds bien au centre d’un carré aux limites clairement définies. Il a géré son image pendant des années selon ses propres critères. C’est aussi simple que ça.

D’un point de vue féministe, ça nous ramène à la pression classique exercée par le patriarcat qui voudrait que les femmes soient discrètes, tranquilles, bien à leur place. On voudrait remettre son succès dans les mains d’un homme… parce qu’une femme ne peut pas gérer quelque chose d’aussi grand elle-même. Les femmes ne sont pas assez fortes et ont tendance à avoir la tête dans les nuages. Elle pourrait s’emporter, exagérer. Elle pourrait nous faire perdre la face puisque plus rien ne la retient (ou plutôt: puisqu’un homme ne choisit pas pour elle).

Il s’agit d’une transition pour elle durant laquelle elle fera des bons et des moins bons coups peut-être. C’est ainsi. Cela dit, cette photo n’était pas dans cette seconde catégorie. Il s’agit tout simplement d’un prologue à ce qui s’en vient. Elle sert de préambule à une nouvelle étape de sa vie. Accueillons ça comme une bonne nouvelle: ça signifie du nouveau matériel et une Céline en pleine possession de ses moyens et de son futur.

Sur ce, je retourne fredonner « On ne change pas » dans ma douche.

Jase-moi ça.